Chaque époux a le droit d'être correctement renseigné sur la situation financière de l'autre, de manière à pouvoir faire valoir ses prétentions dans une procédure de divorce ou de séparation.
C'est le principe de l’article 170 CC.
Le contenu du droit
Le droit aux renseignements est étendu. Il ne peut cependant être exercé que si une telle démarche est nécessaire pour juger ou faire valoir vos prétentions.
Ce droit à pouvoir être renseigné existe jusqu’au jour du divorce définitif. Par conséquent, dans le cadre d’une procédure en divorce, vous pouvez demander au Juge qu’il ordonne à votre conjoint de produire les documents nécessaires pour déterminer ses revenus, biens ou dettes.
Ce droit existe également après divorce, pour une procédure en modification du jugement de divorce (ATF 143 III 113).
Dans une procédure de divorce ou de séparation, les parties doivent se renseigner l’une envers l’autre sur leur revenu et leur fortune, à tout le moins dans la mesure nécessaire pour faire valoir leurs prétentions et s’ils ne peuvent pas obtenir le renseignement par une autre voie (ATF 117 II 218). Une demande de renseignement sera refusée par le juge si l'époux qui fait la demande n'a a pas d'intérêt concret à être renseigné: par exemple lorsque l'autre époux a déjà admis pouvoir et vouloir assurer le maintien du train de vie mené avant la séparation (5A_918/2014).
En cas de très bonne situation financière, dans laquelle il a de plus été convenu d'une séparation de biens, le conjoint visé par l'obligation d'informer n'est pas tenu de dévoiler son revenu ni sa fortune (5A_918/2014).
Le Juge suisse peut également ordonner que des renseignements détenus à l’étranger lui soient fournis, par exemple, les renseignements concernant un compte bancaire à l’étranger (5P.423/2006).
Le manque de collaboration ou la transmission de renseignements inexacts ou incomplets de la part d’un époux peuvent être pris en compte dans l’appréciation des preuves. Ceci peut avoir comme conséquence que le Tribunal pourrait arriver à la conviction que les allégués de l’époux qui n’a pas ou que partiellement rempli son obligation de renseigner sont partiellement ou totalement faux et que par conséquent les déclarations de l’autre époux doivent être retenus (5C_219/2005; 5A_155/2015).
Le Juge compétent est celui du domicile de l’une ou l’autre des parties (le Juge de votre domicile ou le juge du domicile de votre époux/se).
La demande de renseignement peut être faite dans le cadre de la procédure de divorce ou de séparation mais elle peut aussi être faite séparément (5A_768/2012).
Le devoir d'information et le secret bancaire
En particulier, à la requête de la femme, le mari doit produire les pièces qu’il détient (copies de relevés bancaires de son compte, par exemple) et qui sont nécessaires pour permettre la liquidation du régime matrimonial (ATF 90 II 467).
Les banques, de même que les gérants de fortune, les agents fiduciaires ou les experts comptables assumant la fonction de réviseur ont l’obligation de fournir les renseignements demandés par le Juge (ATF 5P.423/2006). Le secret bancaire ne peut pas être invoqué dans ces cas-là (ATF 142 III 116).
L’Association Suisse des Banquiers a d’ailleurs émis une circulaire No 644D du 20 octobre 1987, laquelle précise que la Banque peut fournir des renseignements à l’époux de son client, sur présentation d’une procuration de ce dernier, ou sur le vu d’une décision du Tribunal compétent.
Vous ne pouvez pas agir directement contre la banque pour obtenir les renseignements désirés (ATF 5C.157/2003). Il faut d’abord faire valoir vos droits aux renseignements devant le Juge et c’est lui qui ordonnera ensuite à la Banque de produire les informations nécessaires. (ATF 5P.423/2006).
Voir ici et ici deux articles du Matin Dimanche sur la dissimulation de fonds avec des trusts ou offshores.
La restriction du pouvoir de disposer d'un époux
L’article 178 CC vous permet également de demander au Juge qu’il interdise à votre époux (épouse) de disposer de certains biens. Concrètement, le Juge peut lui ordonner de ne pas vendre certains biens déterminés (tableaux, villas, etc.) ou de prélever de l’argent sur un compte bancaire, sans votre accord. Cela est également possible lorsque les biens sont situés à l'étranger ou encore si les avoirs n'appartiennent pas formellement à l'époux (par exemple si les avoirs sont focmellement détenus par une société offshore ou un trust). Ces mesures conservatoires ont pour but d'assurer une bonne liquidation du régime matrimonial (5A_259/2010).
Le Juge donnera suite à votre demande si vous pouvez démontrer qu’il existe une mise en danger sérieuse et concrète que votre époux/épouse dilapide ses biens ou les fasse disparaître (ATF 118 II 378).
Si le Juge est convaincu qu’il est nécessaire d’agir rapidement, il peut également ordonner le blocage de comptes bancaires appartenant à votre époux/épouse ou la saisie conservatoire d’un bien pour éviter qu’il / elle n’en dispose (ATF 5A_604/2014). La saisie/le blocage ne sera ordonné que dans la mesure nécessaire pour protéger vos intérêts ou ceux de la famille (ATF 5A_604/2014). La saisie/le blocage ne peut viser que des biens déterminés (un compte bancaire précisément désigné, par exemple) et sera limité(e) dans le temps (ATF 120 III 67).
Le Juge compétent est celui de votre domicile ou celui du domicile de votre époux/épouse (ATF 5P.360/2004).