On rappelle que le principe légal est que les avoirs LPP accumulés par chacun des époux pendant le mariage doivent être partagés au jour du dépôt de la demande en divorce, quel que soit le régime matrimonial (voir ici).
Les époux peuvent cependant renoncer au partage si chacun bénéficie d'une prévoyance vieillesse ou d'une couverture invalidité "adéquate", selon les termes de l'article 124b CC.
Il y a là une certaine marge de manoeuvre des époux mais il faut se souvenir que le juge reste libre de décider (art. 280 al. 3 CPC) d'appliquer le principe légal de l'équilibrage s'il considère que les conditions de la renonciation au partage ne sont pas remplies.
La prévoyance est "adéquate" si celui/celle qui aurait pu bénéficier de l'équilibrage bénéficie d'autres avantages qui peuvent lui assurer une bonne retraite ou une couverture suffisante au cas où il/elle devient invalide.
Par exemple: il/elle bénéficie de revenus réguliers tirés de sa fortune ou de biens immobiliers ou encore s'il/elle bénéficie d'une assurance-vie à capital garanti.
On peut aussi considérer qu'il y a prévoyance "adéquate" lorsque celui/celle qui aurait bénéficié de l'équilibrage dispose d'un troisième pilier ou est au bénéfice d'un droit d'usufruit immobilier ou d'un droit d'habitation.
L'âge des époux sera aussi pris en compte: S'il y a une grande différence d'âge entre les époux, il ne serait pas équitable que le plus âgé doive réduire ses avoirs de prévoyance alors que l'autre - beaucoup plus jeune - aura encore de nombreuses années professionnelles pour accumuler des avoirs LPP.
De même, plus les époux sont jeunes au moment du divorce, plus la renonciation à l'équilibrage sera acceptée car chacun aura le restant de sa vie professionnelle pour accumuler des avoirs de prévoyance suffisants.
D'autant plus si le mariage a été de courte durée et qu'il n y a pas d'enfant. Voir par exemple un mariage de 4 ans, pas d'enfant, Monsieur de 41 ans a accumulé CHF 1717,15 et Madame a accumulé plus de CHF 60'000...Pas de partage.
Enfin, on peut renoncer à l'équilibrage des avoirs de prévoyance si le partage apparait inéquitable au vu de la situation économique des époux après divorce. Par exemple, chacun bénéficie de revenus ou d'une fortune confortables de sorte qu'il n'est pas nécessaire de prévoir, en plus, des avoirs de prévoyance à équilibrer (art. 124b CC).
Ou encore, selon l'art. 124b ch. 1 CC, lorsque, dans la liquidation du régime matrimonial, celui/celle qui aurait pu bénéficier de l'équilibrage a été particulièrement avantagé (la maison en copropriété lui est attribuée en pleine propriété et en contrepartie il/elle renonce à l'équilibrage LPP par exemple). (Voir 5A_443/2018)
Ou encore, celui/celle qui renonce à l'équilibrage reçoit une contribution financière (pension) de son ex, beaucoup plus avantageuse que ce à quoi il/elle aurait eu droit.
Ou encore, en cas d'abus de droit, par exemple un mariage "de complaisance" (juste pour avoir un permis B ou C, cf. 5A_443/2018) ou lorsque le bénéficiaire a gravement violé ses devoirs d'entretien pendant le mariage (5A_694/2018 et ATF 145 III 56).
Enfin, la faute n'a en principe aucune importance sauf si le le partage des avoirs apparâit dans certaines circonstrances particlièrement inéquitable. Voir 5A_694/2018 et 5A_443/2018 qui refuse le partage à un époux qui n'a jamais travaillé pendant le (long) mariage et a gravement violé son obligation de contribuer à l'entretien de la famille, qu'il n'a pas contribué à l'éducation et à la prise en charge des enfants ni aux tâches du ménage, qu'il a disposé seul d'un crédit de 90'864 fr. dont son épouse a dû assumer seule le remboursement, qu'il a exercé, tout au long du mariage, une surveillance étroite sur celle-ci au point de la priver d'autonomie, la maltraitant ainsi que leurs enfants, tant physiquement que psychologiquement, et privant parfois la famille de l'argent nécessaire à ses besoins de base car il jouait une partie du salaire de son épouse aux jeux de hasard.
En pratique, certains juges cantonaux sont beaucoup plus souples que d'autres pour accepter l'accord des époux de ne pas partager/équilibrer les avoirs de prévoyance. Ainsi, à Genève, la renonciation à l'équilibrage LPP est prononcée dans plus de 45% des divorces.
A l'inverse, d'autres juges (notamment vaudois) sont beaucoup plus restrictifs et ordonnent l'équilibrage, malgré l'accord des époux de ne pas partager leurs avoirs LPP.
Jusqu'au 31 décembre 2016, la loi était beaucoup plus restrictive et ne permettait de renoncer à l'équilibrage que si la démonstration était faite que les époux allaient pouvoir bénéficier d'avoirs de prévoyance "équivalents" après le divorce (et non pas "adéquats" comme actuellement).